Karim Abdessalem (Tunisie) et Ram Kumar Bhandari(Népal)se sont rencontrés par hasard au cours d’une conférence sur la justice transitionnelle à Bruxelles, en 2014.

Ram et Karim

Entre les sessions, Karimse tenait souvent à l’extérieur. « Karim était toujours dehors… et j’ai pensé qu’il y avait peut-être un problème », se souvient Ram. « J’ai essayé de lui parler, mais en raison du problème de la langue, nous ne pouvions pas nous dire grand-chose. »

Les deux hommes n’avaient de langue commune, alors ils ont commencé à échanger avec « des sourires, le langage corporel, nos yeux », dit Karim. « C’était une connexion émotionnelle, spirituelle. »

Au cours des deux années suivantes, les deux hommes ont communiqué en ligne grâce à des logiciels de traduction sur Internetou en personne en marge d’autres conférences.

« Nous étions d’accord sur le fait que dans de nombreux cas, les processus ne permettaient pas de garantir les droits des victimes », dit Karim, « que tous ces processus ne donnaient pas de résultats parce qu’ils n’étaient pas menés par les victimes elles-mêmes, et c’est pourquoi nous avons commencé à réfléchir à unréseauqui donne une définition claire des victimes, de leurs droits, et de la façon dont les victimes elles-mêmes doivent façonner tout processus de justice et de responsabilité ».

« Nous avons trouvé des points de similitudes par rapport à ce que nous ressentions… sur la façon dont les différents acteurs nous considèrent en tant que victimes », explique Rami. « Nous avons d’abord discuté de peut-être coécrire un article pour exprimer nos préoccupations à la communauté internationale… et de créer un groupe de solidarité. »

Wadad, Ram et Karim – La Haye – Janvier 2020

En 2016, les deux hommes se sont retrouvés à Gaziantep, lors d’une conférence où des victimes et des survivants du monde entier rencontraient des militants syriens qui avaient fui vers la Turquie depuis le début du soulèvement de 2011 en Syrie et du conflit qui s’en est suivi. Là, aux côtés de Karim et de Ram, se trouvaient les futurs membres fondateurs d’INOVAS : Ahmad Helmi (de Syrie), Wadad Halawani (du Liban) et Fatna El Bouih (du Maroc).

C’est là que l’idée d’unréseau mondial de solidarité avec les victimes et les survivants a commencé à prendre forme, se souvient Karim.

« C’est alors que nous avons commencé à rêver de disposer de ce réseau pour pouvoir vraiment aider toutes les victimes, où qu’elles se trouvent dans le monde, sans que leurs voix soient détournées par d’autres. »

Tous les membres fondateurs du groupe sont venus avec leurs propres histoires, leurs expériences et leurs défis après avoir subi des violations graves de leurs droits. Pourtant, ils avaient en commun des expériences similaires des processus nationaux et internationaux de justice transitionnelle. Beaucoup avaient le sentiment, comme Karim, que leurs causes avaient été« piratées » par des acteurs nationaux ou internationaux, et qu’eux-mêmes, victimes et survivants, étaient mis sur la touche, ce qui les empêchait de véritablement contribuer à l’élaboration des politiques publiques à venir.

INOVAS offre l’opportunité de changer cela, deredonner du pouvoir aux victimes et aux survivants.

Réunion des membres fondateurs – La Haye – Janvier 2020

Depuis lors,les membres fondateurs d’INOVAS ont travaillé de manière assidue pour préparer le lancement du réseau : élaboration d’un statut et choix d’un nom pour le réseau, invitation de nouveaux membres et élection démocratique du conseil d’administration du réseau.

À la fin du mois de janvier 2020, l’ensemble du groupe des membres fondateurs– Ahmad Helmi (Syrie),Alicia Partnoy et Antonio Leiva (Argentine),Karim Abdessalem (Tunisie),Marjorie Jobson (Afrique du Sud),Miguel Iztep (Guatemala)Ram Kumar Bhandari (Népal)et Wadad Halawani(Liban)– s’est réuni à La Haye, aux Pays-Bas, pour approfondir l’idée d’un réseau. Pendant trois jours, les discussions du groupe ont porté sur une série de sujets : comment lutter contre l’impunité prolongée ; comment combler le fossé entre les réparations promises et leur mise en œuvre dans la pratique ; comment passer de processus de justice transitionnelle descendants et dirigés par des experts à une participation réelle des survivants ; comment partager les expériences avec les jeunes générations et les étudiants et communiquer des histoires brutales et violentes de manière à ce qu’elles puissent être écoutées par le grand public ; et comment lutter contre la déshumanisation des victimes ».

Le groupe s’est accordé sur une vision unique. INOVAS était né.

Pour de nombreux membres du réseau, INOVAS représente l’aboutissement d’années, voire de décennies, de militantisme en faveur des droits des victimes et des survivants dans leur pays et à l’étranger.

Réunion des membres fondateurs – La Haye – Janvier 2020

Ram se souvient de cette première conférence à Bruxelles, et regarde le chemin parcourut par le réseau aujourd’hui.

« Nous venions tous de contextes très locaux, et puis nous nous sommes tous retrouvés dans cette grande conférence à Bruxelles ; nous étions perdus. Nous n’avions pas de voix, pas de revendications, pas d’appropriation. J’avais l’impression que notre ordre du jour avait été piraté par des acteurs plus grands et plus puissants, » dit-il. « Mais maintenant, en tant qu’INOVAS, nous représentons une voix internationale qui permet aux victimes et aux survivants de faire valoir leur ordre du jour de manière juste auprès des diplomates, des bailleurs de fonds et des gouvernements. De cette façon, je suis convaincu que nous pouvons les influencer. »

« Il ne s’agit pas seulement de nous redonner du pouvoir, mais de redonner du pouvoir à l’ensemble du mouvement. »